Match Point
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Écartelé entre passion et ambition Après une série de comédies désabusées sur la création artistique, Woody Allen revient au genre qu'il affectionne le plus: la tragédie. Dans le Londres de la City et des faux-semblants, Chris Wilton, un prof de tennis irlandais sans-le-sou, séduit Chloe, la sur de son riche ami Tom. Mais il ne tardera pas à s'éprendre de Nola, la fiancée de ce dernier Rarement Woody Allen n'avait exploité les ressources du décor urbain avec autant d'à-propos. De la tour de la Swiss Re (le fameux immeuble en forme d'ogive qui domine la City) au Parlement de Westminster, la monumentale capitale britannique est explorée avec minutie pour devenir le personnage central de Match Point. Dans ce drame social, les personnages importent d'ailleurs moins que les rôles qu'ils incarnent: Chris, Irlandais ambitieux à l'assaut de la gentry londonienne, Tom et sa sur Chloe, enfants décadents de la upper-class anglaise, et Nola, actrice américaine fuyant le Colorado pour tenter, sans succès, sa chance à Londres, apparaissent rapidement comme des cobayes qu'un Woody Allen impitoyable s'applique à disséquer Chris, Bel-Ami irlandais. C'est de plus un véritable travail de sociologue que le cinéaste new-yorkais, souvent amer quant aux relations humaines, s'est attaché à réaliser. Le thème central de cette chronique sociale est la contradiction qui s'établit entre passion amoureuse et ambition sociale. Chris Wilton est donc l'un de ces arrivistes qui, de Bel-Ami à Rastignac, sont prêts à tout pour conquérir la capitale, en l'occurrence Londres, théâtre de son premier Woody Allen. Pour arriver à ses fins, Chris dispose d'atouts certains: il est jeune, beau, sportif, cultivé et n'a aucune difficulté à séduire puis épouser Chloe, la sur de son partenaire de jeu, Tom, dont le père est un magnat de la City. Mais c'est aussi un idéaliste, qui caresse les espoirs apparemment inconciliables de réussir socialement et de vivre le grand amour. Chacune des deux femmes de ce film va ainsi représenter l'un de ces deux versants de la vie du héros. Car Chris, qui n'a de cesse de répéter qu'il "veut faire quelque chose de sa vie", n'est pas non plus insensible au charme de Nola (interprétée par la troublante Scarlett Johansson), actrice ratée et fiancée de son beau-frère. Moins ambitieuse que Chris, elle ne peut supporter le mépris que ses beaux-parents lui témoignent. Elle est par ailleurs sensible au désarroi du héros, malheureux malgré son ascension sociale. En marge de son mariage d'argent,
Chris va donc entretenir avec Nola une liaison trop passionnelle pour
être saine. Le piège social va ainsi se refermer sur les
amants: entre amour et réussite, Chris devra choisir
Woody
Allen se joue du spectateur Le personnage de Chris.n'est
pas sans rappeler Kenneth Brannagh dans Celebrity où le héros
est lui aussi déchiré par son indécision. Cette
fois, cependant, Woody Allen ne cherche pas à livrer de message.
Absent de l'action, il est le témoin autant que le bourreau de
la chute des héros. Dans un Londres qui apparaît au fil
du récit comme un décor de théâtre, le cinéaste
se plaît à faire revenir la musique du lancinant Elisir
D'Amore, rappelant au spectateur que si l'ambition sociale du héros
est destructrice, sa passion pour Nola l'est tout autant. L'amusement avec lequel Woody Allen. se joue du public est peut-être la particularité du film, par rapport aux précédentes tragédies où le spectateur était associé à l'intrigue. Le cinéaste se plaît ici à faire croire à l'importance d'une image ou d'une parole, alors que rien ne semble vraiment important dans ce Londres en trompe-l'il, où les toiles contemporaines du Tate Modern le disputent aux opéras mondains interrompus par des sonneries téléphoniques. Les amateurs de tennis,.en tout cas, seront déçus: présent dans le titre, ce sport très londonien disparaît à mesure que le héros progresse dans le monde impitoyable de la finance anglaise.
Film Critic: Roman Bernard |